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Attention à vos platanes !

 

Le chancre coloré, maladie incurable, tue les platanes. Il progresse en France : très courant dans le sud, il est maintenant présent en Ile-de-France et dans les Pays de la Loire.

Téléchargez le guide des bonnes pratiques avec les mesures à mettre en oeuvre proposé par Plante et Cité et le Ministère de l'Agriculture ici !

Propriétaires de platanes, soyez vigilants. Évitez toutes blessures en limitant les élagages au stricte nécessaire ainsi que tous travaux de terrassement à proximité de ces arbres.

Désinfectez obligatoirement les outils (scies, tronçonneuse, lames des engins de terrassement, ...) avant toute intervention.

  • Lionel Staub, expert forestier, correspondant de l'association A.R.B.R.E.S. pour le département de la Loire :

"Le chancre coloré est une maladie du platane due à un champignon microscopique. La particularité de ce champignon n’est pas d’abîmer le bois mais de faire mourir l’arbre en obstruant ses canaux de sève. Un arbre atteint de chancre sèche sur pied. L’intérieur de l’arbre n’est pas entamé, mais reste « plein » ; la crainte n’est pas l’écroulement de l’arbre mais la contamination des voisins, d’où cette « précipitation » que l’on observe à couper des « arbres stables ». Entre le début de l’infection par le champignon et la mort de l’arbre, il ne s’écoule généralement pas plus de 3 à 5 ans. Ce champignon est très virulent et contaminant, il ne s’attaque qu’au platane, et les arbres atteints (voir la documentation dans le lien ci-dessous) ne parviennent pas à mettre en place des résistances naturelles comme ils sont capables de le faire face à d’autres agresseurs (pour schématiser, ce « tueur est trop rapide » pour l’arbre). Les chances de survie d’un arbre atteint, fût-il multi centenaire ou jeune arbre en pleine force de l’âge, sont nulles. Si j’osais une comparaison humaine, je dirais qu’il est au platane ce qu’un virus comme Ebola est pour nous.


Le chancre coloré est une maladie en lutte obligatoire et le diagnostic, tout comme l’éradication des foyers, est très encadrée par les services de l’Etat. En Rhône-Alpes, où je travaille comme expert forestier, en PACA… seul le FREDON, structure totalement indépendante, est habilité à en faire le diagnostic. Le principe de lutte est que les arbres contaminés ainsi que les platanes situés à moins de 30 m de l’arbre malade doivent être abattus et éliminés suivant des protocoles précis pour éviter la propagation du champignon, qui peut se trouver un peu partout dans le bois y compris dans les sciures. C’est un « principe de précaution », mais qui s’avère malheureusement nécessaire ; il est déjà arrivé qu’il se montre même encore insuffisant.


Le diagnostic étant formellement établi par un organisme indépendant, il n’y a donc pas de risque de collusion pour ce qui concerne des opérations qui coûtent cher (on peut arriver à plus de 2 000 € par arbre), compte tenu des précautions à prendre pour l’abattage et l’élimination du bois… sans parler de la replantation. Même s’il y a entente entre l’entreprise qui coupe et celle qui replante, le diagnostic reste malgré tout indépendant, et c’est heureux.


En ce qui concerne la propagation de la maladie, il n’y a pas que les « contacts racinaires » mais aussi les élagages et également, par exemple, les travaux de tranchées par une pelleteuse qui casse et contamine allègrement toutes les racines qu’elle croise, les opérations de débroussaillage avec les chocs à répétition d’arbre en arbre par les engins… bref tout ce qui est fait en traitement mécanique sur des linéaires est source d’aggravation de la propagation.


A propos des méthodes de lutte : certains - notamment vers le Canal du Midi qui est particulièrement touché par cette maladie - ont essayé, sans réel succès, des luttes alternatives mais de façon très honnête, force est de constater que l’on est loin d’avoir trouvé d’autres parades. Et le chancre continue de progresser. Le seul « truc » que l’on ait trouvé, c’est un platane génétiquement résistant, le « platanor », issu des laboratoires de l’INRA. De façon très personnelle, je n’y crois pas trop, tout simplement parce que le cycle du champignon est beaucoup plus rapide que celui de l’arbre et les évolutions naturelles par mutation font, qu’à mon humble avis, l’arbre (clone qui plus est) qui résiste aujourd’hui, trouvera tôt ou tard une variante du champignon qui parviendra à le contaminer… Et le principe des clones, c’est que si l’un est attaqué, tous sont condamnés ! C’est un classique en foresterie, on a eu comme cela des clones de peupliers qui étaient censé résister à la rouille, hors, à peine 20 ans plus tard on ne les plante plus car ils sont devenus trop sensibles ! Un lien sérieux et bien documenté pour compléter mes propos : http://www.plante-et-cite.fr/data/fichiers_ressources/pdf_fiches/synthese/2013_10_02_chancre_colore_platane.pdf"

  • Réactions de deux experts, Louis Vallin, vice-président d'A.R.B.R.E.S., et Béatrice Rizzo, adhérente de l’association :

- Louis Vallin : « Cette maladie originaire du continent américain a débarqué après guerre en Europe dans les années 1940 (probablement par des caisses de bois de munitions infectées). Elle est identifiée pour la première fois à Marseille et en Italie dans les années 1970 causant la mort de milliers de platanes dans le sud du pays. À noter qu’elle est apparue depuis peu en Suisse.

C’est la DRIAAF (Direction Interdépartementale de l’Agriculture de l’Alimentation et de la Forêt) qui est chargée de coordonner les moyens de lutte. La lutte est obligatoire contre cette maladie incurable qui tue les platanes entre 3 et 5 ans. Les premiers symptômes sont la chute brutale des feuilles, le dessèchement des tiges et une coloration violacée à grise sur le tronc dont l’écorce craquelle. Mais ces symptômes peuvent aussi venir d’autres problèmes et une expertise visuelle n’est pas suffisante.

J’ai eu un entretien avec un responsable du SRAL, chargé de la gestion des risques d’apparition du chancre coloré du platane en région parisienne. Il mentionne que c’est une maladie dont la lutte contre son évolution se fait au niveau européen. Il considère maintenant qu’il y a un nouveau stade dans la propagation de la maladie (elle est aussi apparue à Nantes l’été dernier) mais qu’elle n'est toujours pas endémique sur 100 % du territoire,  donc la gestion des risques phytosanitaires  va s’accentuer. 

Tous les parcs et domaines nationaux et départementaux sont prévenus de ce risque. Il précise qu’il n’y a pas de moyen de traitement, que la prévention est essentielle. Les mesures préventives prophylactiques autour des platanes vont s’accentuer.  La difficulté c’est que tous les déchets doivent être brulés à 100 % à proximité du chantier et que les souches doivent être rognées au maximum.

Les domaines et jardins privés doivent être alertés. C'est là où les communes et les associations ont leur rôle à jouer. Tout propriétaire de platanes constatant des symptômes doit informer dans les plus brefs délais la DRIAAF (01 41 24 18 00). Un guide est édité et un site internet est à consulter : driaaf.ile-de-france.agriculture.gouv.fr

Le FREDON confirme que des analyses de validation de la maladie doivent être faites dans des  laboratoires ; l’un deux un y sera dédié en région parisienne.

Ce qu’il en ressort pour nos alignements de platanes c’est que seul un arrêté préfectoral par rapport à cette maladie peut ordonner l’abattage d’un alignement. L’article L 350-3 protège les alignements. Il va falloir être vigilant. »

Je suis absolument sidéré  d’entendre trop souvent des maires et des gérants d’espaces verts, des  responsables de la  direction des routes … bref, des élus et décideurs,  profiter de l’apparition du chancre coloré  pour, sous prétexte de « maladies" vouloir faire abattre bon nombre de platanes. Trop souvent de partout, arrivent des informations d’abattages d’arbres (en alignements ou pas) ».

- Béatrice Rizzo : « C’est une réelle menace sanitaire pour tous les alignements de platanes et il faut s’en inquiéter sérieusement. Nous pouvons agir... Oui, déjà, désinfecter nos chaussures au vinaigre blanc pur avant de retourner dans un parc. Plus généralement, il faut retenir que ce chancre est un parasite de « blessure » : aucun platane n’est exposé s’il n’est pas blessé aux racines ou en parties aériennes (attention à l’élagage !).

Dans le sud de la France la propagation de la maladie est corrélée au réseau hydrographique (canaux et rivières) ; le champignon est en effet très persistant dans l’eau et les arbres sont blessés via les épareuses faucheuses qui entretiennent les berges ou les péniches remontant de Marseille. En Ile-de-France paradoxalement la maladie apparaît en plein environnement minéral ; cela questionne. 

L’analyse du cas d’Antony tend à penser que la maladie  est parvenue à toucher les arbres via les chantiers de terrassement de réfection de la voirie, mais en fait l’origine de l’infection n’est pas expliquée. Les machines de terrassement venant de zones contaminées sont redoutablement dangereuses en blessant les racines des platanes. Ce qui a été le cas à Antony. Il faut exiger la propreté des chantiers au pied des alignements de platanes. Il faut que les entreprises de chantiers et d’élagage respectent les consignes de désinfection des outils et machines en contact avec les platanes, qui doivent être indemnes du chancre. Egalement, on devrait exiger qu’elles ne taillent qu’à une température inférieure à 10 degrés, car c’est le seuil en-dessous duquel la maladie est inactive... Vu le nombre de chantiers de voiries en Ile-de-France ces dernières années, les cinq prochaines sont à grands risques d’apparition de foyers de chancre et d’abattages sur de grandes étendues comme à Antony !

Je suis désolée de déplorer la situation mais l’expérience des foyers de platanes dans le sud, indique que la maladie a souvent fait résurgence, même après abattage curatif, l’asepsie des chantiers d’éradication étant très difficile à opérer. Bref, cette maladie n’arrive pas au hasard des caprices de dame nature comme on pourrait nous le faire croire en l’assimilant à nos maladies humaines ; l’homme, avec les blessures qu’il occasionne sur les platanes, est le premier acteur de la contamination. »

Arrêté du 22 décembre 2015 relatif à la lutte contre Ceratocystis platani, agent pathogène du chancre coloré du platane

Ministère de l'Agriculture

DRAAF Occitanie

Article Département des Hauts-de-Seine

Publication Département des Hauts-de-Seine

Publication Département de la Savoie

Publication Plante&Cité

Publication 2 Plante&Cité

 

 

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